Les avocats représentant la famille de la journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh ont demandé à la Cour pénale internationale d’ouvrir une nouvelle enquête sur son meurtre.
Today my family is at the International Criminal Court to submit a formal complaint, calling on the international community to investigate Israel's killing of my aunt Shireen Abu Akleh, and deliver accountability and justice where others have failed. Our family statement below 👇 pic.twitter.com/uMWRCLR49d
— Lina Abu Akleh (@LinaAbuAkleh) September 20, 2022
Shireen Abu Akleh, 51 ans, journaliste chevronnée d’Al Jazeera et connue dans le monde arabe, a été assassinée le 11 mai alors qu’elle couvrait un raid militaire israélien dans la ville palestinienne de Jénine, en Cisjordanie occupée.
Sa mort a suscité une condamnation générale, suivie de plusieurs enquêtes, dont celle des Nations unies, qui ont conclu que les forces israéliennes l’avaient "probablement" tuée.
Une enquête menée par l’armée israélienne sur le meurtre d’Abu Akleh au début du mois a conclu qu’elle avait probablement été abattue involontairement par un soldat israélien mais qu’elle n’était pas délibérément visée.
Le bureau de l’avocat général de l’armée israélienne a déclaré qu’il n’ouvrirait pas d’enquête sur les soldats impliqués dans l’incident car " il n’y a aucun soupçon qu’une infraction pénale ait été commise ".
S’exprimant devant la CPI à La Haye mardi, Anton, le frère d’Abu Akleh, a déclaré que la famille avait passé quatre mois à rechercher la justice et à demander des comptes pour son meurtre, et il s’est dit déçu que les États-Unis n’aient pas ouvert d’enquête.
"C’est le strict minimum qu’un gouvernement aussi puissant et influent que celui des États-Unis devrait s’efforcer d’obtenir pour son propre citoyen", a-t-il déclaré.
Il a ajouté qu’en dépit des nombreuses enquêtes qui ont conclu que sa sœur avait été tuée par un soldat israélien, des enquêtes américaines et de la CPI sont nécessaires "pour tenir Israël pour responsable".
"Shireen était aussi une fière Palestinienne qui a été tuée de sang-froid par un soldat israélien. Il semble que la raison pour laquelle son cas n’a pas été une priorité pour le gouvernement américain est due à qui elle était et par qui elle a été tuée."
La plainte déposée mardi l’est également au nom d’Ali al-Samoudi, un autre journaliste et collègue d’Al Jazeera Arabic d’Abu Akleh qui a été assassiné lors du même incident.
Une enquête menée par l’organisation de défense des droits de l’Homme Al-Haq, basée à Ramallah, et Forensic Architecture, publiée mardi, a révélé qu’Abu Akleh et ses collègues ont été explicitement visés alors qu’ils étaient identifiables comme des membres de la presse.
Selon l’enquête de l’organisation, la source des tirs qui ont tué Abu Akleh était un tireur d’élite de l’armée israélienne qui se trouvait dans un véhicule blindé.
Contrairement aux déclarations israéliennes selon lesquelles Abu Akleh a été assassinée au cours d’affrontements entre des tireurs palestiniens et des soldats israéliens, les organisations ont également constaté qu’aucun tireur palestinien n’a tiré et qu’aucun Palestinien armé n’était présent dans la zone dans les moments précédant son assassinat.
Une fois qu’elle a été abattue, les enquêteurs ont constaté que le tireur israélien a continué à tirer sur ceux qui tentaient d’aider Abu Akleh, l’empêchant délibérément de recevoir des soins médicaux.
C’est notre droit
La plainte de mardi fait suite à une affaire précédente déposée auprès de la CPI en avril au nom d’un groupe de journalistes palestiniens dont les avocats affirment qu’ils ont été systématiquement pris pour cible par les forces israéliennes dans les territoires palestiniens occupés.
Shatha Hanaysha, journaliste palestinienne et collaboratrice de MEE, qui se trouvait avec Abu Akleh et Samoudi le 11 mai lorsqu’ils ont été abattus, a déclaré qu’elle était optimiste quant au dépôt de cette plainte, même si elle n’est pas sûre qu’elle aboutisse au résultat souhaité par les personnes concernées.
"C’est notre droit et celui de Shireen aussi et nous devons nous battre pour obtenir nos droits", a déclaré Hanaysha à MEE.
"Il s’agit d’une étape importante pour maintenir son cas en vie et dans les médias, ainsi que dans la presse internationale et les milieux juridiques."
Selon elle, le cas d’Abu Akleh n’est qu’un exemple des crimes qu’Israël commet contre les Palestiniens en conséquence de l’occupation.
"Ce n’est pas seulement Shireen qui a été tuée de sang-froid. Il y a beaucoup de cas similaires à elle", a déclaré Hanaysha.
"Shireen, à travers tout son travail dans les médias, a toujours essayé d’exposer la vérité, ce qui est notre devoir en tant que journalistes. J’espère seulement que la vérité sera révélée et que cela rendra justice à Shireen."
En février 2021, la CPI s’est déclarée compétente pour enquêter sur des allégations de crimes survenus dans les territoires occupés, et a ouvert un mois plus tard une enquête sur les crimes de guerre présumés commis par les forces israéliennes et palestiniennes sur place depuis le 13 juin 2014.
Les avocats à l’origine de la plainte devant la CPI affirment que la décision de l’année dernière présente une ouverture pour que la cour mène une enquête formelle sur le ciblage des journalistes palestiniens et engage des poursuites potentielles.
"Il ne s’agit pas seulement d’une question de responsabilité pour les crimes de guerre. Le ciblage des journalistes est un crime de guerre. Il s’agit également de la liberté de la presse", a déclaré Jennifer Robinson, avocate au sein de Doughty Street Chambers, l’un des cabinets d’avocats impliqués.
"L’assassinat de journalistes est une tentative de couvrir et d’empêcher leur travail de documentation des violations des droits de l’Homme et favorise l’impunité des justices qu’ils cherchent à couvrir."
Traduction et mise en page : AFPS / DD